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Sur les chemins de la Retirada : troisième partie — Vendredi 06 Octobre
Découvertes historiques à vélo et en voiture
Dans cette troisième partie, je retrace nos visites à vélo ainsi que les excursions complémentaires en voiture, organisées lors de “journées de récupération”.
Journée de Repos en Espagne
Nous avons consacré une journée pour nous rendre en Espagne, à La Jonquera, afin de visiter le Musée mémorial de l’Exil.
Cette visite a été, sans doute, la plus instructive de toutes. Les salles d’exposition ne se limitent pas à la période de la Retirada. Elles couvrent également la guerre civile espagnole qui l’a précédée et les événements survenus après la Retirada. Les images des atrocités commises durant cette sombre période de l’histoire ont suscité en nous de vives émotions. La richesse des informations et la profondeur de l’exposition nous ont profondément marqués.
Des audio-guides nous ont permis d’avoir une visite en Français.
Le Musée mémorial de l’Exil (MUME) est un espace consacré à la mémoire, à l’histoire et à la réflexion critique. Il s’agit d’un centre d’interprétation qui rappelle les exils que provoquèrent la Guerre civile de l’Espagne et de la Catalogne. En particulier l’exil des vaincus, dans ce conflit indissolublement lié à l’Europe de la montée des totalitarismes qui a été le prélude de la Deuxième Guerre mondiale. Bon nombre d’hommes et de femmes exilés en 1939 continuèrent à lutter pour la liberté dans les files de la résistance française et sur d’autres fronts de guerre de l’Europe occupée par le fascisme, mais quelques milliers d’entre eux furent envoyés dans les camps de concentration nazis, un voyage qui, pour la plupart, n’a été qu’un aller. D’autres sont revenus, de gré ou de force, dans l’Espagne de Franco où ils souffrirent la persécution, furent jetés en prison, tués, mais où tous souffrirent la torture du silence imposé de l’exil intérieur. Une grande partie dut aller chercher asile à des milliers de kilomètres, en terres européennes, américaines ou africaines.
Museo Memorial del Exilio
Une note artistique à Céret
Cette journée culturelle s’est conclue par une visite au musée d’art moderne de Céret.
La route des cols : du Boulou à Céret
Le Boulou fut un point de passage majeur de l’exil républicain espagnol. La ville est devenue, malgré elle, un “centre de triage” face à l’afflux de milliers de réfugiés républicains.
À l’ancienne gare, nous avons rencontré Raymond San Geroteo, président de la section des Pyrénées-Orientales de l’Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France. Il nous explique :
En février 1939, lorsque 500 000 Espagnols arrivent à la frontière, le département des Pyrénées Orientales compte 150 000 habitants. Dans la petite ville du Boulou, c’était le désordre le plus total, les gens dormaient où ils le pouvaient. Les habitants, souvent touchés leur donnaient à manger. Les Réfugiés furent accueillis dans une totale improvisation par l’administration française. En gare du Boulou, ils furent orientés vers différentes destinations. Cette petite ville conserve le « Carré des Espagnols » en leur cimetière. Beaucoup d’Espagnols luttèrent ensuite aux côtés des Français pour combattre les nazis.
Raymond San Geroteo
Après cette leçon d’histoire fascinante, nous avons poursuivi notre chemin vers deux cols emblématiques de la Retirada. Ils ont vu passer des colonnes de réfugiés au sein desquelles se sont joints de hauts responsables politiques républicains.
Ascension du Col de Manrell
À Maureillas, nous avons entamé l’ascension du col de Manrell. Voici la description poétique de Georges Golse :
A partir de là, changement de décor, changement de musique. C’est la montagne sauvage, âpre, sévère, couverte de forêts de chênes lièges. La route du Coll de Manrella s’élève sur 14 km à 4.2% de moyenne avec des passages à 7%. Elle est taillée à flanc de montagne ; à droite de la route, une murette nous sépare de la gorge de plus en plus profonde au fond de laquelle, invisible, s’enfonce la rivière de Maureillas.
Marie-Agnès sur la route de Las Illas avant le col de Manrell
Après les dernières maisons de Las Illas, le goudron cède la place à une piste truffée d’obstacles destinés à freiner les trafics. La situation devient comique quand nous découvrons un arrêt de bus flambant neuf avec un abribus en dur équipé de douches, toilettes, vaste abri… mais dont nous sommes séparés par une haute butte de terre qu’il faut escalader !
Nous aurions pu éviter cet obstacle en empruntant un raidillon goudronné situé quelques hectomètres en aval de Las Illas. Cette route nous aurait conduit directement sur les hauts de Las Illas. Pour la suite de l’ascension, un VTT aurait été sans doute plus adapté. Nous faisons encore quelques centaines de mètres sur le vélo jusqu’aux dernières maisons du hameau avant de devoir mettre pied à terre, le revêtement de la route ayant disparu pour laisser place à une piste. La pente est devenue sévère. Nous poussons les vélos sur un gros kilomètre avant de déboucher au col frontalier de Manrell.
Au col, côté catalan, se trouve un imposant monument en forme de pyramide baptisé « temple de la Paix », bâti en hommage à Lluis Companys Jover, président de la Généralitat de Catalogne. Exilé en Loire-Inférieure après la guerre civile espagnole, il y est arrêté par la Gestapo et livré au régime franquiste par le régime de Vichy puis est exécuté le 15 octobre 1940 au château de Montjuïc à Barcelone
C’est par le col de Lli, pratiquement à la même altitude que le col de Manrell, situé à 1km800 à vol d’oiseau que Lluís Companys, ainsi que le président espagnol Manuel Azaña et le Lehendakari basque José Antonio Aguirre ont rejoint la France.
Nous n’essayons pas de rallier directement le col de Lli. En 2008, lors d’une “chasse aux cols” mémorable, avec Yoyo déjà, nous avions erré, tous les deux, un long moment dans le maquis, au milieu d’arbustes et d’épineux sans trouver de passage alors que nous n’étions plus qu’à une centaine de mètres du col convoité.
Exploration du Col de Lli
Nous empruntons sur deux kilomètres, côté espagnol, une large route au revêtement impeccable. Nous avons perdu une centaine de mètres d’altitude qu’il faudra remonter sur une piste caillouteuse, au sein d’une forêt de chênes-lièges et de châtaigniers, pendant 1,2 km jusqu’au col de Lli.
À noter qu’à l’intersection de la route avec la piste du col de LI il y a 12 km de descente sur une bonne route pour rejoindre la Jonquera (AR 24 km pour 500 m de den) et visiter le musée.
Nous poussons sans trop de difficultés les vélos sur la piste et rejoignons le col de Lli , ce lieu hautement symbolique de la Retirada situé dans une clairière où paissent les troupeaux.
Arrivée au col de Lli
Nous entamons la descente sur une large piste non revêtue. Après quelques centaines de mètres, où on peut alterner quelques passages sur le vélo avec d’autres à côté du vélo en poussage facile, nous tombons sur un gros portail cadenassé. Nous devons emprunter un sentier sur les bords du lit asséché du torrent, franchissant dans la bonne humeur quelques obstacles, le vélo en guise de canne. Un VTT dans ces passages n’aurait pas été plus utile que nos randonneuses. Quelques centaines de mètres plus loin nous nous retrouvons à Llas Illas au point de départ de la petite boucle que nous venons d’effectuer sur les traces des réfugiés.
Revenus à Las Illas, nous avons poursuivi sur une route arborée et vallonnée, passant successivement par les cols de Mirailles, de la Brousse, de Llamouzy et de Pla Boulat pour rejoindre Céret, chérie par les peintres cubistes.
Une journée de récupération
Une autre “journée de récupération” nous conduira au village des pêcheurs entre Saint-Cyprien et Canet-en-Roussillon puis à Leucate pour déguster des huîtres et du picpoul avant de visiter le camp de Rivesaltes où là aussi furent internés des réfugiés de la Retirada.
Petit détour au village des pêcheurs
Le camp de Rivesaltes
Initialement construit pour être un centre d’entraînement militaire, le camp de Rivesaltes fut entre autres un « Centre d’hébergement » pour étrangers indésirables, un camp d’internement pour les populations victimes de la politique d’exclusion du régime de Vichy, un camp de déportation vers Auschwitz-Birkenau via Drancy, un camp de prisonniers de guerre allemands, une zone de transit pour les supplétifs étrangers de l’armée française, mais aussi un « Camp de regroupement des Harkis et de leurs familles ». Son histoire est celle des Républicains espagnols, des Juifs étrangers, des Tsiganes, des prisonniers de guerre de l’Axe, des Harkis, des prisonniers FLN, des Guinéens, des nord-Vietnamiens et de tous ceux qui y vécurent dans des conditions souvent très dures.
À l’issue de ce voyage une foule de sentiments m’assaillent : compassion pour toutes les souffrances, admiration pour le courage de ces combattants pour la liberté, pour ceux qui ont continué leur combat au sein de la Résistance française ou au sein des forces armées de libération, admiration aussi pour ces Français ou des personnes telle Elisabeth Eidenbenz qui se sont impliqués dans des actions de solidarité pour accueillir dignement les réfugiés.
1939 la Retirada. 2024 : quatre-vingt-cinq ans plus tard, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Des dictatures jettent, sur les routes du monde, des millions de réfugiés, à la recherche d’un avenir meilleur.
Allons-nous reproduire les errances du passé ou allons-nous marcher sur les traces d’Elisabeth Eidenbenz pour construire un monde meilleur ?
Fichier gpx d’un circuit permettant de rallier le col des Balitres à Céret en passant par différents lieux visités à vélo.
Bravo et merci Regis pour cet excellent reportage chargé de beaucoup d’émotions.
J’ai un beau frère catalan qui dans sa jeunesse a parcouru ces forets à la recherche des traces de la retirada: munitions, armes, ustensiles etc.
Est- que tu m autorises à le lui transmettre? Je pense qu’il serait très heureux ainsi que ma belle sœur Michele (sœur de JP) qui était venue à une ratabouillade
Bonsoir Régis,
Pourtant habitué à suivre les récits de tes périples, avec photos et commentaires, je trouve que celui-ci t’a particulièrement inspiré !
Il faut dire que cette région est fortement chargée par l’histoire du 20ème siècle. Ainsi, tu nous amènes à réfléchir …
A toi et tes amis, merci,
Guy
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